“Le paysage est préservé”

La Grandsonnaz (c) Thierry Ray

La Grandsonnaz (c) Thierry Ray

Dans l’Arc jurassien suisse, les projets éoliens se multiplient. Du canton de Vaud jusqu’à celui de Soleure, en passant par Neuchâtel et le Jura, des centaines de turbines géantes sont planifiées sur les crêtes. Présentées comme un symbole de la transition énergétique, elles soulèvent pourtant une question brûlante : à quel prix pour le paysage jurassien ?

Les éoliennes modernes atteignent 150 à 230 mètres de haut, visibles à plusieurs dizaines de kilomètres. Dans une région caractérisée par des reliefs doux, des forêts ouvertes, des pâturages boisés et des panoramas lointains, leur présence modifie radicalement la perception du territoire. Les lignes harmonieuses des crêtes laissent place à des alignements de mâts métalliques clignotants, visibles depuis les vallées, les villages et même les Alpes par temps clair. L’échelle du paysage, jusque-là humaine et naturelle, s’en trouve brutalement rompue.

Le paradoxe est d’autant plus frappant que nombre de ces projets sont prévus au cœur de parcs naturels régionaux — comme ceux du Jura vaudois ou du Chasseral — dont la mission première est précisément de protéger la qualité paysagère et la richesse patrimoniale. Industrialiser ces espaces au nom du développement durable relève d’une contradiction flagrante : on sacrifie la beauté même que ces parcs sont censés préserver.

L’Arc jurassien fait partie des paysages identitaires de la Suisse. Ses crêtes, ses pâturages et ses forêts façonnent un patrimoine naturel et culturel unique, lié à l’histoire, à la vie rurale et à la tranquillité des lieux. Les transformer en couloirs industriels d’éoliennes reviendrait à effacer une part du caractère et de l’âme de cette région.

La transition énergétique doit se faire avec l’Arc jurassien, pas contre lui. Car si l’on détruit le paysage au nom du climat, c’est un peu de la Suisse elle-même que l’on perd.