« Eole-de-Ruz », ou comment faire main basse sur un projet éolien

Le projet de parc éolien de Montperreux s’appelle donc désormais « Eole-de-Ruz ». Ainsi en ont décidé les autorités communales de Val-de-Ruz et Groupe E, dans un moment de grande inspiration. L’opération prêterait à sourire, si elle ne cachait en réalité tout une série de problèmes.

En associant ce parc éolien au seul Val-de-Ruz, les autorités communales s’approprient la production électrique de ce site, qui fait pourtant partie d’une planification cantonale votée par les citoyennes et citoyens de tout le canton en 2014. Elles ne s’en cachent d’ailleurs pas, affirmant qu’il s’agit de permettre aux 17’000 habitants de Val-de-Ruz – et rien qu’à eux – de bénéficier d’une production d’électricité locale et renouvelable. Et tant pis pour les autres qui pensaient naïvement en glissant leur bulletin dans l’urne que l’éolien profiterait à tout le canton. Rappelez-vous du slogan de la votation de 2014 : « NOTRE vent, NOTRE énergie ». Désormais, c’est « MON vent, MON énergie ».

L’appropriation n’est pas nouvelle, elle a débuté très exactement le 25 mai 2020, lorsque le Conseil général de la Commune de Val-de-Ruz adoptait le plan communal des énergies et s’appropriait ni plus ni moins la production de trois projets éoliens d’un seul coup (Tête-de-Ran et La Joux-du-Plâne, en plus de Montperreux). Le but de la démarche était d’atteindre « l’autonomie » énergétique de la commune au moyen de la production éolienne. Comme si les éoliennes permettaient d’atteindre l’autonomie. Rien n’est plus faux. En réalité, Val-de-Ruz double sa dépendance : dépendance de sources d’approvisionnement extérieures les (très nombreux !) jours sans vent, à quoi s’ajoute la dépendance du reste du pays lorsqu’il s’agira de se débarrasser du courant excessif produit en situation venteuse. Mais passons, c’est un autre débat.

Plus fort encore : les localités du Val-de-Ruz ne verront presque rien de ces éoliennes géantes de 200 mètres de haut : situées à Montperreux, à côté de La Vue-des-Alpes, leurs nuisances toucheront La Chaux-de-Fonds, qui devra, si cette centrale éolienne se construit un jour, tirer un trait sur son classement au patrimoine mondial de l’UNESCO. « MON vent, MON énergie, et à TOI les conséquences ! ».

L’échec de la société NeuchEole explique en partie cette situation. Avec cette entité intercommunale qui avait pour but de coordonner la mise en place éolienne, on aurait pu assister à une répartition des retombées fiscales ainsi qu’à une mutualisation de la production entre les communes neuchâteloises, par exemple au travers de participations dans le capital de parcs éoliens. Or, plusieurs communes – notamment Val-de-Ruz – ont boudé NeuchEole, qui a accumulé les pertes sans aucune réalisation concrète à la clé, ce qui l’a contrainte en juin 2019 à se dissoudre.

La brèche était ouverte, dans laquelle se sont engouffrées les autorités de Val-de-Ruz, avec l’appui du promoteur, l’entreprise fribourgeoise Groupe E, qui, ne rêve que de pouvoir avancer masquée derrière l’étiquette « Eole-de-Ruz ». Alors qu’il aurait pu être rassembleur pour le canton, l’éolien désormais divise.