Quatre Bornes : Groupe E n’entend pas la population
Le promoteur éolien Groupe E, qui pilote le projet des Quatre Bornes prévu à cheval sur les cantons de Berne et de Neuchâtel, refuse d’entendre l’avis exprimé par la population de Sonvilier, qui a rejeté le projet éolien des Quatre Bornes le 27 septembre dernier. Le promoteur fribourgeois a ainsi demandé au canton de Neuchâtel de poursuivre la procédure pour les trois machines rescapées situées sur la Commune de Val-de-Ruz, comme le révèle ArcInfo.
La population de Sonvilier (BE) a dit ce qu’elle pensait du projet des Quatre Bornes en refusant le plan de quartier le 27 septembre 2020 en votation populaire. Qu’à cela ne tienne : Groupe E veut poursuivre le projet avec les trois machines neuchâteloises, sur les dix que prévoyait le parc. Le soir de la votation, Groupe E affirmait pourtant « prendre acte de la volonté populaire ».
Bien que situées sur territoire neuchâtelois, ces trois machines se trouvent à quelques centaines de mètres de la frontière cantonale et font partie d’un seul et même projet. Dans leur campagne en vue de la votation, les promoteurs avaient d’ailleurs fait la promotion du projet éolien des Quatre Bornes dans son ensemble, et pas seulement des sept machines bernoises.
On est en droit de s’étonner qu’un producteur électrique en mains publiques demeure imperméable au signal donné par la population. On reste également songeur devant l’aventurisme juridique de Groupe E, qui semble ne pas s’interroger sur les chances de succès d’un projet désormais amputé de 70% de la production électrique prévue. Avec trois machines plutôt que 10, on est en présence d’un autre projet. Enfin, le plan directeur cantonal stipule que le site de la Joux-du-Plâne – Les Quatre Bornes doit être coordonné avec les autorités cantonales, régionales et communales de la région du Jura bernois. Une coordination digne de ce nom passe par l’abandon des machines neuchâteloises.
Tout semble donc indiquer que des raisons politiques plutôt que des considérations énergétiques sont à l’origine de la décision. Les projets éoliens de Groupe E rencontrent tous, sans exception, de puissants vents contraires : le projet de Schwyberg (FR) a été recalé par le Tribunal fédéral et le canton de Berne rejette un autre projet de Groupe E, celui du Mont-Sujet. Les 19 machines de la Montagne de Buttes (NE), mises à l’enquête en 2016, sont toujours en attente d’une décision du Tribunal administratif neuchâtelois. La situation n’est guère meilleure en Suisse alémanique, où Groupe E devra renoncer à son projet éolien de Krinau (SG) rejeté par la Commission fédérale pour la protection de la nature et du paysage CFNP, tandis que le site de Rheinau (SG) a été retiré du plan directeur. Dans ce contexte, abandonner les trois machines de la Joux-du-Plâne serait l’aveu d’un échec de plus pour Groupe E.
S’y ajoutent les élections cantonales neuchâteloises d’avril 2021. Après six ans au Conseil d’Etat, le bilan éolien de Laurent Favre ne constitue pas son principal atout dans la campagne. S’avouer vaincu sur le dossier des « Quatre Bornes » constituerait une ombre au tableau à quatre mois des élections. Or, on rappellera que Laurent Favre, en charge du dossier éolien, est aussi membre du Conseil d’administration du promoteur, Groupe E. S’agissant d’un projet sur sol neuchâtelois, il ne fait guère de doute que la position du Conseiller d’Etat a été déterminante dans la décision de Groupe E de maintenir les trois machines à la Joux-du-Plâne. On le voit, les enjeux politiques, bien plus que l’énergie « verte », sont au cœur des décisions en matière éolienne.